L'étude des peintres des Salons du dernier quart du 19ème siècle et des vingt premières années du 20ème, de la période comprise grosso modo entre 1880 et la fin de la Première Guerre mondiale, montre clairement qu'un style pictural unique dominait la production artistique, quelle que soit la provenance des artistes. À moins de connaître spécifiquement les oeuvres de certains artistes français ou américains, il est difficile pour cette période de les attribuer à l'école française ou à l'école
américaine. C'est également le cas pour des oeuvres réalisées en Allemagne, en Scandinavie, en Europe centrale ou même en Espagne et en Italie. On peut se demander quelle était la raison de ce nivellement des particularités artistiques
propres à chaque région ou pays. Si nous disposions d'une machine à remonter le temps capable de nous ramener dans les années 1880 ou 1910 et si nous pouvions visiter les expositions annuelles qui se tenaient alors à Paris - les fameux Salons - où des artistes de tous les pays exposaient leurs oeuvres, nous serions tout aussi troublés. Les oeuvres d'artistes de nombreux pays différents s'y côtoyaient sans aucune logique apparente et nous aurions certainement éprouvé le même sentiment de confusion. En même temps qu'ils adoptaient un style visuel interchangeable, les artistes du monde entier abordaient des thèmes de l'époque communs à tous. Leurs oeuvres d'art s'adressaient ainsi à un large public populaire à travers des sujets liés à la campagne ou à la vie urbaine. Souvent les peintres mettaient en scène la situation changeante du paysan due à l'industrialisation ou les conditions difficiles des ouvriers dans les villes, mais parallèlement ils s'efforçaient aussi de représenter la « bonne vie ». Dans tous les pays, on voulait montrer « le peuple » dans sa vie quotidienne, dans un style qui
dépassait les frontières et était facile d'accès pour tous.